Pour ce roman, c’est d’abord une idée qui a commencé à me tourner autour, puis à s’imposer. L’idée, à laquelle je crois vraiment, qu’une rencontre peut dévier radicalement le cours d’une vie. Même, et peut-être surtout, une rencontre « collision » entre deux tempéraments opposés, entre deux personnes n’ayant, à priori, rien en commun et qui finalement vont se révéler avoir désespérément besoin l’une de l’autre.
En partant de ce désir d’écrire un roman sur une rencontre imprévue, la première image à m’apparaître était très précise : une maison sur la plage en Californie, une nuit d’orage, un écrivain à la dérive et une jeune femme nue, tombée sur sa terrasse comme un ange envoyé par le ciel…
Je devais avoir 13 ou 14 ans lorsque j’ai vu pour la première fois le film de Woody Allen : La rose pourpre du Caire, dans lequel un acteur de cinéma « sort » de son film pour égayer le quotidien grisâtre d’une serveuse de restaurant. C’est ce film qui m’a fait m’interroger sur les rapports entre le monde réel et le monde imaginaire, thème qui m’a passionné et n’a cessé de me poursuivre.
Quels objectifs aviez-vous en tête en attaquant l’écriture de ce nouveau roman ?
En fait, j’ai en tête ce roman depuis très longtemps, j’attendais qu’il soit prêt, et moi aussi, pour l’écrire. Je suis un passionné des comédies américaines de l’âge d’or, les fameuses « screwball comedy » (comme L’impossible Monsieur Bébé avec Cary Grant et Katharine Hepburn) des années quarante, qui mêlent critique sociale, humour et émotion. Elles prennent comme point de départ une confrontation entre un homme et une femme opposés par une violente aversion et contraints de rester attachés l’un à l’autre.
De ces films (ainsi que de leurs héritiers : les longs métrages écrits par Billy Wilder – Sept ans de réflexion – Richard Curtis – Coup de foudre à Notting Hill – ou par les frères Farrelly – Mary à tout prix), je voulais retrouver le rythme très rapide et les dialogues au couteau qui entraînent les personnages dans des joutes verbales.
Dans le même temps, j’avais envie d’écrire une histoire qui emprunte le ton de la comédie et de mettre en scène un personnage très féminin, libéré et excentrique qui débarquerait comme une tornade dans la vie un peu tristounette d’un antihéros. De là est né le personnage de Billie : c’est elle qui est le catalyseur de l’action, elle qui impose le rythme et les décisions à Tom, le narrateur. De tous les personnages que j’ai pu créer depuis dix ans, Billie est mon préféré. Peut-être le plus haut en couleur. Celui dont, en tout cas, je ressens le manque le plus fort depuis la fin de l’écriture du roman…
Ce nouveau roman est donc à la fois une comédie romantique, un thriller, un road movie et une réflexion sur la littérature. Vous appréciez de rester ainsi, de roman en roman, à la croisée de plusieurs genres ?
J’écris toujours le livre que j’aimerais lire. Et c’est vrai que, depuis mon adolescence, j’ai toujours fait preuve de beaucoup d’éclectisme dans mes choix de lecture, passant de la découverte de grands classiques de la littérature à la lecture de « livres de genre » – thriller, fantastique – tout en restant très curieux du roman contemporain, étranger notamment.
Mon imaginaire est aussi irrigué par le théâtre, le cinéma et les séries télé américaines qui, depuis quelques années, abordent de façon pertinente et ludique les grandes questions de l’existence : la fragilité de la vie avec Six Feet Under, la recherche de la vérité avec Dr House, le contrat social avecLost… Cet éclectisme dans mes choix culturels se retrouve immanquablement dans ma façon d’écrire.
Plus que l’utilisation du surnaturel ou l’amour, c’est, me semble-t-il, ce qui caractérise mon écriture : cette liberté, ce plaisir et cette envie de mélanger les genres pour pouvoir aborder des thèmes sérieux avec légèreté à travers une trame narrative solide.
Tom, l’écrivain, est en panne d’inspiration, incapable d’écrire la moindre ligne alors qu’il n’a toujours vécu que pour l’écriture. Ça vous est déjà arrivé ? Avez-vous peur de la page blanche ?
Pas vraiment. Moi, j’ai plutôt le problème inverse : un trop plein d’idées !
Plus sérieusement, ma véritable difficulté consiste à me pas me laisser trop cannibaliser par l’histoire que je suis en train d’inventer. Lorsque j’écris, je suis tellement absorbé par les tourments de mes personnages que je peux en oublier de vivre ma propre vie.
« Aucune femme saine d’esprit ne peut se réjouir très longtemps de partager la vie d’un écrivain », a écrit Philippe Djian. Il avait malheureusement raison !
Vous entretenez une relation assez forte avec les milliers de lecteurs qui vous écrivent, vous envoient des mails. Vous pensez à eux quand vous écrivez ? Qu’est-ce que vous voudriez qu’ils éprouvent en lisant ce nouveau livre ?
J’envisage le lien qui m’unit au lecteur comme une « histoire d’amour épistolaire », une relation fondée sur la confiance et l’échange. Je suis vraiment un pur produit du bouche à oreilles. Plus qu’à la presse ou les médias, c’est aux lecteurs que je dois l’essentiel de mon succès. C’est parce qu’ils ont apprécié mes histoires et qu’ils les ont conseillées autour d’eux que mes livres ont pu toucher autant de personnes.
À la sortie d’un nouveau roman, j’éprouve donc un mélange de trac et de peur de décevoir, car ce moment représente une sorte de validation de mon travail.
C’est vraiment essentiel parce que je n’écris pas pour moi. J’écris pour les autres et j’envisage la fiction comme un partage. Chaque jour, je remercie mes lecteurs pour la confiance qu’ils m’accordent et j’essaie de la mériter en travaillant avec humilité et sincérité. Recevoir leurs courriers et les rencontrer lors des séances de dédicaces justifie tous mes efforts et efface mes doutes. Un simple « merci » balaie les milliers d’heures d’écriture passées devant mon écran !
Et que voudriez-vous qu’ils vous disent après avoir lu La Fille de papier ?
Ce livre-ci est particulier, je l’ai voulu optimiste et lumineux, j’aimerais qu’ils le ressentent. Il parle d’une histoire d’amour mais aussi, justement, de l’écriture, de la lecture et contient quelques clins d’œil à des personnages de mes romans précédents qui viennent y faire une apparition.Surtout, j’ai hâte que les lecteurs découvrent le personnage principal dont je suis tombé amoureux en cours d’écriture : cette fameuse Billie qui me manque tant depuis que j’ai achevé l’écriture de ses aventures…